Mécanique de la Lumière
de Fred Sapey-Triomphe
La
proposition de cette exposition : Mécanique de la Lumière pourrait
laisser supposer une « froideur » tant le mot de mécanique
relève d’un procédé et d’un processus productivistes qui semblent être
aujourd’hui l’un des maux d’un dérèglement général, posé comme
« modèle » depuis plus d’un siècle. Ce « système »
de SPIM (Structure de Production d’Images en Mouvement) créé par Fred
Sapey-Triomphe présente un ensemble d’œuvres (de 2007 à 2012) qui ne
sanctifie pas le système « mécaniste ». Cette mécanique est à
entendre et à regarder comme une méthode d’imageries et de résonances
picturales incluant différents types de pièces : installations
électroniques, fantaisies et tableaux lumineux...
Le
travail de Fred Sapey-Triomphe emprunte des manières et des pratiques
visuelles qui vont de l’art cinétique, du OP’Art au Manga en passant
par des productions qui reflètent les roto-reliefs de Marcel Duchamp
par leur aspect hypnotique et plus largement par la fascination de la
lumière comme matériau. À l’opposé d’artistes de sa génération, l’œuvre
de Fred Sapey-Triomphe ne prend pas racine depuis des événements ou des
références directement liés à l’actualité et d’un « état du
monde ». L’aréopage de ses constructions propose de façon
immédiate un ensemble de sensation, de féerie de couleur et de rythme,
liés à la lumière, à la couleur. La peinture toujours présente est donc
convoquée, dans cette circonstance par une mise en réseau de circuits
luminescents qui construisent des champs lumineux. La technologie des
Led (light emitting diode) employée par l’artiste est une source
électrique parcourue par un courant monochromatique et n’a pas de
traduction directe en français. Elle pourrait donc ici être envisagée
dans sa traduction comme Lumière En Devenir. Ces circuits électriques
et leur mise en réseau permettent de composer des tableaux
géométriques, dégagés de toute figure, de toute représentation.
Cette
matière lumineuse est envisagée selon Fred Sapey-Triomphe comme des
« déflagrations » picturales. Ainsi, le but de ce projet
d’exposition serait de nous proposer un «état» de réflexion, de
bien-être, d’apaisement. Ce qui dans son projet le rapprocherait d’une
famille de créateurs commeJames Turell et son Wide Out ou dans une
perspective plus large avec l’œuvre de Wolfgang Laib et ses peintures
de cire et de pollen. Ces deux artistes issus du monde des sciences,
avant celui d’une pratique artistique, nous entraînent par leur
détermination visuelle vers des séances de pures sensations physiques
et émotionnelles. Une invitation, non pas béate d’optimisme, mais un
chemin vers une irradiance bienfaitrice conduit le regardeur vers sa
propre capacité de luminescence, de transcendance. Les compositions de
Fred Sapey-Triomphe sont également à éprouver comme une inflexion de
repos, un relâchement par la couleur pour ce qu’elle est, ce qu’elle
induit comme émotion propre à chaque individualité; un bain de
« luminothérapie » face aux brutalités d’un monde. Cette
peinture lumineuse est à réfléchir comme source divine ; une
divinité non pas cultuelle, mais une dédicace pour l’homme et ses
tentatives d’arrachements à l’obscurité sans représentation, sansimage,
de figure.
Cependant,
cette courte introduction mentirait si elle ne s’arrêtait pas à l’une
des œuvres présentées et se réfère néanmoins à la figure. Celle-ci
apparaît comme un croquis, une image évanescente et rémanente d’un
« portrait » qui emprunte ses codes autant au Manga qu’à la
peluche de l’enfance. Ce yéti irradiant lui aussi, n’est esquissé que
par quelques éléments qui permettent cependant d’en appréhender sa
bonhomie. Cette sculpture « molle » par sa forme et sa
texture est une autre invitation vers un monde de rondeur, une image
finale à la pédagogie qui se veut parfois réparatrice, une paisible
thérapie qui érige néanmoins une effigie laïque.
Gilles Forest
Directeur du Wharf
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